Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 3.djvu/182

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il y a plus de deux siècles ? Ils renversèrent l’oppression : pourquoi ne le ferions-nous pas ? (Applaudissements.)

Vraiment, je sens qu’il y a quelque chose de vrai dans ce que disait hier soir mon ami John Bright : « Nous ne sommes, à la Chambre des communes, que de beaux diseurs à la langue mielleuse et dorée. » Nous ne savons pas parler comme les Martin et les Hackewell d’autrefois. (Écoutez ! écoutez !) Bien que, après tout, ce n’est point dans de rudes paroles mais dans de fortes actions qu’il faut placer noire confiance. (Applaudissements.) Ainsi que je vous le disais tout à l’heure, lorsque nous demandons au gouvernement de mettre un terme à ce système, il nous envoie au dehors, au Brésil par exemple, et nous dit de décider ce peuple à recevoir nos marchandises contre son sucre ; mais quelle est donc cette déception dont on nous berce depuis si longtemps ? Quel est l’objet pratique de ces traités de commerce si attendus ? Y a-t-il quelque pays, à un degré de latitude donné, qui produise des choses que ne puissent produire d’autres pays dans la même latitude ? Pourquoi, je le demande, devons-nous nous adresser au Portugal, et lui donner le privilége exclusif de nous vendre ses vins, lui conférant ainsi un monopole contre nous-mêmes ? Pourquoi nous priver de l’avantage de la concurrence de notre voisine, la France, dont le Champagne est décidément supérieur, dans mon opinion, au vin épais de Porto ? (Applaudissements.) On nous dit qu’en donnant la préférence au Portugal, nous forcerons la France à réduire ses droits sur nos fils et tissus de lin. Mais cela ne pourrait-il pas avoir l’effet contraire ? l’expérience en est faite. Voilà plus de cent ans que nous avons conclu le fameux traité de Methuen, et au lieu de concilier les peuples il les a divisés, et a, plus que toute autre chose, provoqué ces guerres désastreuses qui ont désolé l’Europe. Au lieu de forcer cette brave nation de l’autre côté du canal à venir acheter nos produits, il n’a eu d’autre effet que de la décider à doubler les droits sur nos marchandises. (Approbation.) Non, non, agissons à la façon des ligueurs du temps d’Élisabeth. Renversons nos propres monopoles ; montrons aux nations que nous avons foi dans nos principes ; que nous mettons ces principes en pratique, en admettant, sans