Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 3.djvu/241

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n’aurait pas été éveillée, quand bien même ces vastes meetings n’auraient pas encouragé leurs efforts, car, lorsqu’une fois un principe s’empare de l’âme, il est indomptable. C’est ce qui fait le martyre ou la victoire ! Il peut y avoir des victimes, mais il n’y a pas de défaite. — C’est à cette foi individuelle, à cette résolution de ne jamais transiger sur un principe, que nous devons tout ce qu’il y a de grand et de beau sur cette terre. Sans cette foi, nous n’aurions pas eu la liberté politique, la réformation, la religion chrétienne. Si la Ligue pouvait fléchir dans sa marche ; si ceux qui la dirigent pouvaient la trahir, eh bien ! qu’importe ? ils ne sont que l’avant-garde, la grande armée leur passerait sur le corps et marcherait toujours jusqu’à la grande consommation. (Acclamations.)

« Je le répète donc, pas de transactions. On nous défie, on nous appelle au combat ; les seigneurs nous jettent le gant et ils veulent, disent-ils, abattre la Ligue. (Rires ironiques.) Eh bien, nous en ferons l’épreuve. — Ce ne sont plus les fiers barons de Runnêymède. Le temps de la chevalerie est passé ; il est passé pour eux surtout, car il n’y a rien de chevaleresque à se faire marchand de blé et à fouler le pays pour grossir son lucre. — Mais où veulent-ils en venir en s’isolant ainsi au milieu de la communauté ? Ils créent la méfiance parmi les fermiers, la haine et l’insubordination parmi les ouvriers ; ils se déclarent en guerre avec tous les intérêts nationaux ; ils rejettent les Spencer, les Westminster, les Ducie, les Radnor ; ils se dépouillent de ce qui constitue leur force et leur dignité ; où veulent-ils en venir, en se séparant du mouvement social, en rêvant qu’ils seront toujours assez forts pour écraser leurs concitoyens ? Ils n’ont rien à attendre de cette politique, si ce n’est ruine et confusion ! S’ils y persistent, ils ne tarderont pas à s’apercevoir qu’ils n’ont d’autre perspective qu’une vie de dangers et d’appréhensions ; ils sentiront la terre trembler sous leurs pas, comme on dit qu’elle tremblait partout où se posait le pied du fratricide Caïn. Qu’ils parcourent l’univers ; nulle part ils ne rencontreront la sympathie de l’affection et le sourire de la bienveillance. Ah ! qu’ils se joignent à nous ; qu’ils s’unissent à la nation ; c’est là que les attendent le respect, la