Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 3.djvu/273

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chant fort bien mes sentiments à l’égard des lois-céréales, et que j’étais l’ennemi très-décidé de toute taxe sur le pain du peuple. (Acclamations.) Bien plus, non-seulement mon opinion était connue, mais je l’avais si souvent émise et développée, que la même conviction s’était étendue dans tout le pays, à tel point que les monopoleurs n’ont pas essayé d’un seul meeting dans toute l’Irlande. — Je me trompe, ils en ont eu un où ils furent battus (rires) ; milord Mountcashel y assistait. (Murmures et sifflets.) Le pauvre homme ! il y était, et en vérité il y faisait une triste figure ; car il disait : « Nous autres, de la noblesse, nous avons des dettes, nos domaines sont hypothéqués, et nous avons des charges domestiques. » Un pauvre diable s’écria dans la foule : « Que ne les payez-vous ? » (Rires.) Quelle fut la réponse, ou du moins le sens de la réponse ? « Grand merci, dit milord, je ne paierai pas mes dettes, mais les classes laborieuses les paieront. J’obtiens un prix élevé de mes blés sous le régime actuel. Je serais disposé à être un bon maître et à réduire les fermages, si je le pouvais. Mais j’ai des dettes, je dois maintenir mes rentes, pour cela assurer à mes blés un prix élevé, et, au moyen de cette extorsion, je paierai mes créanciers… quand il me plaira. » (Rires.) — Il n’y a en tout cela qu’une proposition qui soit parfaitement assurée, c’est que milord Mountcashel obtiendra un grand prix de son blé ; quant à l’acquittement des dettes, il reste dans ce qu’on appelle à l’école le paulò post futurum, c’est-à-dire cela arrivera une fois ou autre. (Rires.)

Et, pas plus tard qu’hier, voici que le duc de Northumberland s’écrie, dans une proclamation à ses tenanciers : « Vous devez former des associations pour le maintien des lois-céréales ; car ces misérables et importuns conspirateurs de la Ligue vous disent que si ces lois sont abrogées, vous aurez le pain à bon marché. N’en croyez pas un mot, » ajoute-t-il. — Je pense pouvoir vous prouver qu’il ne s’en croit pas lui-même. Ne serait-ce pas une chose curieuse de voir un noble duc forcé de reconnaître qu’il ne croit pas à ses propres paroles? (Rires.) Cependant en voici la preuve. Il a conclu par ces mots : « La protection nous est nécessaire. » Mais quel est le sens de ce mot :