Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 3.djvu/277

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fait le lord, sous une autre forme. Il ne vous laisse pas entrevoir le fragment de pain, avant de l’emporter, seulement il prend soin qu’il ne vous arrive pas, et il vous fait payer de ce pain un prix pour lequel vous pourriez avoir et ce pain et le fragment en sus, si ce n’était la loi. (Écoutez ! écoutez !) Oh ! j’aurais mieux auguré de l’ancienne noblesse d’Angleterre ; je me serais attendu à quelque chose de moins vil de la part de ces hommes qui, je ne dirai pas « conspirent », car ils ne sont pas conspirateurs, — je ne dirai pas « se concertent, » quoique ce soit un crime qu’on ne punit guère que chez les pauvres, — mais qui se réunissent pour décider que le peuple paiera le pain plus cher qu’il ne vaut. Je répéterai ma proposition encore et encore, parce que je désire la fixer dans l’esprit de ceux qui m’écoutent ; c’est du vol, c’est du pillage. Ne nous laissons pas prendre à l’appât de l’augmentation des salaires. Augmentation des salaires ! mais ouvrez le premier livre venu d’économie politique, vous y verrez que chaque fois que le pain a été à bas prix, les salaires ont été élevés ; ils ont été doublement élevés puisque l’ouvrier avait plus d’argent et achetait plus de choses avec le même argent. Tout cela est aussi clair que le soleil — et nous nous laissons embarrasser par ces sophismes ! Il semble que nous soyons des bipèdes sans tête et qui pis est sans cœur. Oh ! finissons-en avec ce système ! (Applaudissements.)

Le Parlement n’est-il pas composé de monopoleurs ? n’y sont-ils pas venus en grande majorité, non-seulement des comtés, grâce à la clause Chandos, moins encore en achetant des bourgs[1] !

  1. Il y a à la Chambre des communes deux classes de représentants, ceux des comtés et ceux des bourgs. — Pour être électeur de comté, il suffit d’avoir une propriété (freehold) de 40 sh. de rente. C’est ce qu’on nomme la clause Chandos. Il est aisé de comprendre que les possesseurs du sol ont pu faire autant d’électeurs qu’ils ont voulu. C’est en mettant en œuvre cette clause sur une grande échelle qu’ils acquirent, en 1841, cette majorité qui renversa le cabinet whig. Jusqu’ici la Ligue n’avait pu porter la bataille électorale que dans les villes et bourgs. On verra plus loin que M. Cobden a proposé et fait accepter un plan qui semble donner des chances aux free-traders même dans les comtés. Ce plan consiste à décider tous les amis de la liberté du commerce, et particulièrement les ouvrier, à consacrer en acquisitions de freeholds toutes leurs économies.