Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 3.djvu/342

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vous avez entendu sur ce sujet un orateur dont je reconnais l’extrême supériorité ; je veux parler de ce profond économiste, qui, malgré sa modestie, quelque soin qu’il prenne de se cacher, n’en est pas moins un des plus utiles ouvriers de notre cause, M. James Wilson. (Applaudissements.) Mais j’ai plusieurs motifs pour dire ce soir quelques mots sur la question des sucres. D’abord, parce qu’il existe sur ce sujet une honnête différence d’opinion parmi nous ; je dis une honnête différence, car je reconnais la sincérité de nos adversaires, comme je me plais à croire que la nôtre n’est pas contestée. — Ensuite, parce que cette branche si importante de la question commerciale sera bientôt discutée au Parlement, et que les opérations de la législature, du moins quant aux résultats, subissent toujours l’influence de l’opinion publique du dehors. J’ai peut-être été plus à même qu’un autre d’apprécier les scrupules de ceux de nos amis qui ont embrassé l’autre côté de la question, ayant toujours été uni à eux, comme je le suis encore, en ce qui concerne l’objet général qu’ils ont en vue, quoique, à mon grand regret, je ne partage pas leur opinion sur l’objet spécial dont il s’agit maintenant. Je respecte leur manière de voir ; je sais qu’ils n’en changeront pas si nous ne parvenons aies vaincre par de fortes et suffisantes raisons, — je retire le mot vaincre, — si nous ne parvenons à leur démontrer que les sentiments d’humanité, auxquels ils croient devoir céder, trouveront une plus ample et prompte satisfaction dans le triomphe de nos desseins que dans l’accomplissement de leurs vues. Et enfin, parce que j’aime à rencontrer des occasions qui mettent nos principes à l’épreuve. Voici une de ces occasions. Un abolitionniste me demande : « Êtes-vous pour la liberté commerciale, alors même qu’elle donnerait accès dans ce pays aux produits du travail esclave ? » Je réponds formellement : Je suis pour la liberté commerciale ; si elle ne peut s’établir universellement, ou si elle conduit à l’esclavage, le principe est faux ; mais je l’adopte parce que je le crois juste ; comme je m’unis aux abolitionnistes, parce que leur principe est juste.

Deux principes justes ne peuvent s’entre-croiser et se combattre ; ils doivent suivre des parallèles pendant toute l’éternité.