Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 3.djvu/443

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crois que nous établirions mieux notre commerce par nous-mêmes, sans nous efforcer de faire avec d’autres pays des arrangements particuliers. Nous leur faisons des propositions qu’ils n’acceptent pas ; après cela, nous éprouvons de la répugnance à faire ce par quoi nous aurions dû commencer. Je me fonde sur ce principe qu’il est impossible que nous importions trop ; que nous devons nous tenir pour assurés que l’exportation s’ensuivra d’une manière ou de l’autre ; et que la production des articles ainsi exportés ouvrira un emploi infiniment plus avantageux au travail national que celle qui aura succombé à la concurrence.

Le Président : Pensez-vous que les principes que vous venez d’exposer sont également applicables aux articles de subsistances dont la plupart sont exclus de notre marché ? — Si j’étais forcé de choisir, la nourriture est la dernière chose sur laquelle je voudrais mettre des droits protecteurs.

C’est donc la première chose que vous voudriez soustraire à la protection ? — Oui, il est évident que ce pays a besoin d’un grand supplément de produits agricoles qu’il ne faut pas mesurer par la quantité des céréales importées, puisque nous importons, en outre, et sur une grande échelle, d’autres produits agricoles qui peuvent croître sur notre sol ; cela prouve que notre puissance d’approvisionner le pays est restreinte, que nos besoins dépassent notre production ; et, dans ces circonstances, exclure les approvisionnements, c’est infliger à la nation des privations cruelles.

Vous pensez que les droits protecteurs agissent comme une taxe directe sur la communauté en élevant le prix des objets de consommation ? — Très-décidément. Je ne puis décomposer le prix que me coûte un objet que de la manière suivante : Une portion est le prix naturel ; l’autre portion est le droit ou la taxe, encore que ce droit passe de ma poche dans celle d’un particulier au lieu d’entrer dans le revenu public…

Vous avez souvent entendu établir que le peuple d’Angleterre, plus surchargé d’impôts que tout autre, ne pourrait soutenir la concurrence, en ce qui concerne le prix de la nourriture, si les droits protecteurs étaient abolis ? — J’ai entendu faire cet argument ; et il m’a toujours étonné, car il me semble que c’est précisément parce que le revenu public nous impose de lourdes taxes que nous ne devrions pas nous taxer encore les uns les autres.

Vous pensez que c’est là une déception? — La plus grande déception qu’on puisse concevoir, c’est l’antipode même d’une proposition vraie.


(Le reste de cette enquête roule sur des effets particu-