Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 4.djvu/156

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que chaque classe de travailleurs, au lieu de poursuivre la chute de ce monopole, réclame pour elle-même un monopole semblable. Cette nature de Spoliation, ainsi réduite en système, devient alors la plus ridicule des mystifications pour tout le monde, et le résultat définitif est que chacun croit retirer plus d’un marché général appauvri de tout.

Il n’est pas nécessaire d’ajouter que ce singulier régime introduit en outre un antagonisme universel entre toutes les classes, toutes les professions, tous les peuples ; qu’il exige une interférence constante, mais toujours incertaine de l’action gouvernementale ; qu’il abonde ainsi dans le sens des abus qui font l’objet du précédent paragraphe ; qu’il place toutes les industries dans une insécurité irrémédiable, et qu’il accoutume les hommes à mettre sur la loi, et non sur eux-mêmes, la responsabilité de leur propre existence. Il serait difficile d’imaginer une cause plus active de perturbation sociale[1].


Justification.


On dira : « Pourquoi ce vilain mot : Spoliation ? Outre qu’il est grossier, il blesse, il irrite, il tourne contre vous les hommes calmes et modérés, il envenime la lutte. »

Je le déclare hautement, je respecte les personnes ; je crois à la sincérité de presque tous les partisans de la Protection ; et je ne me reconnais le droit de suspecter la probité personnelle, la délicatesse, la philanthropie de qui que ce soit. Je répète encore que la Protection est l’œuvre, l’œuvre funeste, d’une commune erreur dont tout le monde, ou du moins la grande majorité, est à la fois victime et com-

  1. Cette cause de perturbation, l’auteur devait bientôt assister à son développement et la combattre avec énergie. V. ci-après l’État, puis, au tome II, Funestes illusions et, au tome VI, les dernières pages du chap. iv. (Note de l’éditeur.)