Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 4.djvu/186

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et s’efforcent ainsi de vous enrôler sous le drapeau du monopole.

C’est du reste une tactique qui a été mise au service de tous les abus ; et je dois avouer naïvement une chose, c’est qu’elle embarrasse toujours les amis des réformes même les plus utiles au peuple. — Vous allez comprendre pourquoi.

Quand un abus existe, tout s’arrange là-dessus.

Des existences s’y rattachent, d’autres à celles-là, et puis d’autres encore, et cela forme un grand édifice.

Y voulez-vous porter la main ? Chacun se récrie et — remarquez bien ceci — les criards paraissent toujours, au premier coup d’œil, avoir raison, parce qu’il est plus facile de montrer le dérangement, qui doit accompagner la réforme, que l’arrangement qui doit la suivre.

Les partisans de l’abus citent des faits particuliers ; ils nomment les personnes et leurs fournisseurs et leurs ouvriers qui vont être froissés, — tandis que le pauvre diable de réformateur ne peut s’en référer qu’au bien général qui doit se répandre insensiblement dans les masses. — Cela ne fait pas, à beaucoup près, autant d’effet.

Ainsi, est-il question d’abolir l’esclavage ? — « Malheureux ! dit-on aux noirs, qui va désormais vous nourrir ? Le commandeur distribue des coups de fouet, mais il distribue aussi le manioc. »

Et l’esclave regrette sa chaîne, car il se demande : D’où me viendra le manioc ?

Il ne voit pas que ce n’est pas le commandeur qui le nourrit, mais son propre travail, lequel nourrit aussi le commandeur.

Quand, en Espagne, on réforma les couvents, on disait aux mendiants : « Où trouverez-vous le potage et la bure ? Le prieur est votre Providence. N’est-il pas bien commode de s’adresser à lui ? »

Et les mendiants de dire : « C’est vrai. Si le prieur s’en