Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 4.djvu/216

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— Bon ! vous voilà en déficit de 30 autres millions. Vous avez sans doute inventé un nouvel impôt ?

— Le ciel m’en préserve ! D’ailleurs, je ne me flatte pas d’avoir l’esprit si inventif.

— Il faut pourtant bien… ah ! j’y suis. Où avais-je la tête ? Vous allez simplement diminuer la dépense. Je n’y pensais pas.

— Vous n’êtes pas le seul. — J’y arriverai, mais, pour le moment, ce n’est pas sur quoi je compte.

— Oui-dà ! vous diminuez la recette sans diminuer la dépense, et vous évitez le déficit ?

— Oui, en diminuant en même temps d’autres taxes.

(Ici l’interlocuteur, posant l’index de la main droite sur son sinciput, hoche la tête, ce qui peut se traduire ainsi : il bat la campagne).

— Par ma foi ! le procédé est ingénieux. Je verse 100 francs au trésor, vous me dégrevez de 5 francs sur le sel, de 5 francs sur la poste ; et pour que le trésor n’en reçoive pas moins 100 francs, vous me dégrevez de 10 francs sur quelque autre taxe?

— Touchez là ; vous m’avez compris.

— Du diable si c’est vrai ! Je ne suis pas même sûr de vous avoir entendu.

— Je répète que je balance un dégrèvement par un autre.

— Morbleu ! j’ai quelques instants à perdre : autant vaut que je vous écoute développer ce paradoxe.

— Voici tout le mystère : je sais une taxe qui vous coûte 20 francs et dont il ne rentre pas une obole au trésor ; je vous fais remise de moitié et fais prendre à l’autre moitié le chemin de l’hôtel de la rue de Rivoli.

— Vraiment ! vous êtes un financier sans pareil. Il n’y a qu’une difficulté. En quoi est-ce, s’il vous plaît, que je paie une taxe qui ne va pas au trésor ?

— Combien vous coûte cet habit ?