Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 4.djvu/259

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— Mais j’ai acheté mon drap, et la France son café.

— Précisément, et avec quoi ?

— Avec de l’argent.

— Mais vous n’avez pas fait l’argent, ni la France non plus.

— Nous l’avons acheté.

— Avec quoi ?

— Avec nos produits qui sont allés au Pérou.

— C’est donc en réalité votre travail que vous échangez contre du drap, et le travail français qui s’est échangé contre du café.

— Assurément.

— Il n’est donc pas de nécessité rigoureuse de faire ce qu’on consomme ?

— Non, si l’on fait autre chose que l’on donne en échange.

— En d’autres termes, la France a deux moyens de se procurer une quantité donnée de drap. Le premier, c’est de le faire ; le second, c’est de faire autre chose, et de troquer cette autre chose à l’étranger contre du drap. De ces deux moyens, quel est le meilleur ?

— Je ne sais pas trop.

— N’est-ce pas celui qui, pour un travail déterminé, donne une plus grande quantité de drap ?

— Il semble bien.

— Et lequel vaut mieux, pour une nation, d’avoir le choix entre ces deux moyens ou que la loi lui en interdise un, au risque de tomber justement sur le meilleur ?

— Il me paraît qu’il vaut mieux pour elle avoir le choix, d’autant qu’en ces matières elle choisit toujours bien.

— La loi, qui prohibe le drap étranger, décide donc que si la France veut avoir du drap, il faut qu’elle le fasse en nature, et qu’il lui est interdit de faire cette autre chose avec laquelle elle pourrait acheter du drap étranger ?