Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 4.djvu/286

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Selon lui, la loi devait transformer les personnes, créer ou ne créer pas la propriété. Selon moi, la société, les personnes et les propriétés existent antérieurement aux lois, et, pour me renfermer dans un sujet spécial, je dirai : Ce n’est pas parce qu’il y a des lois qu’il y a des propriétés, mais parce qu’il y a des propriétés qu’il y a des lois.

L’opposition de ces deux systèmes est radicale. Les conséquences qui en dérivent vont s’éloignant sans cesse ; qu’il me soit donc permis de bien préciser la question.

J’avertis d’abord que je prends le mot propriété dans le sens général, et non au sens restreint de propriété foncière. Je regrette, et probablement tous les économistes regrettent avec moi, que ce mot réveille involontairement en nous l’idée de la possession du sol. J’entends par propriété le droit qu’a le travailleur sur la valeur qu’il a créée par son travail.

Cela posé, je me demande si ce droit est de création légale, ou s’il n’est pas au contraire antérieur et supérieur à la loi ? S’il a fallu que la loi vînt donner naissance au droit de propriété, ou si, au contraire, la propriété était un fait et un droit préexistants qui ont donné naissance à la loi ? Dans le premier cas, le législateur a pour mission d’organiser, modifier, supprimer même la propriété, s’il le trouve bon ; dans le second, ses attributions se bornent à la garantir, à la faire respecter.

Dans le préambule d’un projet de constitution publié par un des plus grands penseurs des temps modernes, M. Lamennais, je lis ces mots :

« Le peuple français déclare qu’il reconnaît des droits et des devoirs antérieurs et supérieurs à toutes les lois positives et indépendants d’elles.

Ces droits et ces devoirs, directement émanés de Dieu, se résument dans le triple dogme qu’expriment ces mots sacrés : Égalité, Liberté, Fraternité. »