Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 4.djvu/328

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ne l’est pas, et, en ce cas, il n’est pas plus rationnel de lui livrer l’éducation que la presse.

Si je considère nos relations avec les étrangers, je ne vois pas non plus d’autre règle prudente, solide, acceptable pour tous, telle enfin qu’elle puisse devenir une loi, que la Justice. Soumettre ces relations au principe de la fraternité légale, forcée, c’est décréter la guerre perpétuelle, universelle, car c’est mettre obligatoirement notre force, le sang et la fortune des citoyens, au service de quiconque les réclamera pour servir une cause qui excite la sympathie du législateur. Singulière fraternité. Il y a longtemps que Cervantes en a personnifié la vanité ridicule.

Mais c’est surtout en matière de travail que le dogme de la fraternité me semble dangereux, lorsque, contrairement à l’idée qui fait l’essence de ce mot sacré, on songe à le faire entrer dans nos Codes, avec accompagnement de la disposition pénale qui sanctionne toute loi positive.

La fraternité implique toujours l’idée de dévouement, de sacrifice, c’est en cela qu’elle ne se manifeste pas sans arracher des larmes d’admiration. Si l’on dit, comme certains socialistes, que ses actes sont profitables à leur auteur, il n’y a pas à les décréter ; les hommes n’ont pas besoin d’une loi pour être déterminés à faire des profits. En outre, ce point de vue ravale et ternit beaucoup l’idée de fraternité.

Laissons-lui donc son caractère, qui est renfermé dans ces mots : Sacrifice volontaire déterminé par le sentiment fraternel.

Si vous faites de la fraternité une prescription légale, dont les actes soient prévus et rendus obligatoires par le Code industriel, que reste-t-il de cette définition ? Rien qu’une chose : le sacrifice ; mais le sacrifice involontaire, forcé, déterminé par la crainte du châtiment. Et, de bonne foi, qu’est-ce qu’un sacrifice de cette nature, imposé à l’un au profit de l’autre ? Est-ce de la fraternité ? Non, c’est