Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 4.djvu/474

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« Je me supposerai dans le lycée d’Athènes, répétant les leçons de mes maîtres, ayant les Platon et les Xénocrate pour juges, et le genre humain pour auditeur. »


L’idée dominante de ce discours célèbre peut se résumer ainsi : Le sort le plus affreux attend ceux qui, ayant le malheur de naître après nous, ajouteront leurs connaissances aux nôtres. Le développement de nos facultés nous rend déjà très-malheureux. Nos pères l’étaient moins étant plus ignorants. Rome approchait de la perfection ; Sparte l’avait réalisée, autant que la perfection est compatible avec l’état social. Mais le vrai bonheur pour l’homme, c’est de vivre dans les bois, seul, nu, sans liens, sans affections, sans langage, sans religion, sans idées, sans famille, enfin dans cet état où il était si rapproché de la bête qu’il est fort douteux qu’il se tint debout et que ses mains ne fussent pas des pieds.

Malheureusement, cet âge d’or ne s’est pas perpétué. Les hommes ont passé par un état intermédiaire qui ne laissait pas que d’avoir des charmes :


« Tant qu’ils se contentèrent de leurs cabanes rustiques, tant qu’ils se contentèrent de coudre leurs habits de peaux avec des arêtes, à se parer de plumes et de coquillages, à se peindre le corps de diverses couleurs… tant qu’ils ne s’occupèrent que des ouvrages qu’un seul pouvait faire, ils vécurent libres, sains, bons et heureux. »


Hélas ! ils ne surent pas s’arrêter à ce premier degré de culture :


« Dès l’instant qu’un homme eut besoin du secours d’un autre (voilà la société qui fait sa funeste apparition) ; dès qu’on s’aperçut qu’il était utile à un seul d’avoir des provisions pour deux, l’égalité disparut, la propriété s’introduisit, le travail devint nécessaire…

La métallurgie et l’agriculture furent les deux arts dont l’invention produisit cette grande révolution. Pour le poëte, c’est l’or et l’argent, pour le philosophe, c’est le fer et le blé qui ont civilisé les hommes et perdu le genre humain. »