Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 4.djvu/477

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qui je n’ai rien promis ; je ne reconnais à autrui que ce qui m’est inutile ; j’ai un droit illimité à tout ce qui me tente et que je puis atteindre. »

Il suit de là que si le pacte social une fois conclu vient à être dissous, tout s’écroule à la fois, société, loi, moralité, justice, devoir. « Chacun, dit Rousseau, rentre dans ses droits primitifs, et reprend sa liberté naturelle en perdant la liberté conventionnelle pour laquelle il y renonça. »

Or, il faut savoir qu’il faut bien peu de chose pour que le pacte social soit dissous. Cela arrive toutes les fois qu’un particulier viole ses engagements ou se soustrait à l’exécution d’une loi quelconque. Qu’un condamné s’évade quand la société lui dit : Il est expédient que tu meures ; qu’un citoyen refuse l’impôt, qu’un comptable mette la main dans la caisse publique, à l’instant le contrat social est violé, tous les devoirs moraux cessent, la justice n’existe plus, les pères, les mères, les enfants, les époux ne se doivent rien ; chacun a un droit illimité à tout ce qui le tente ; en un mot, la population tout entière rentre dans l’état de nature.

Je laisse à penser les ravages que doivent faire de pareilles doctrines aux époques révolutionnaires.

Elles ne sont pas moins funestes à la morale privée. Quel est le jeune homme, entrant dans le monde plein de fougue et de désirs, qui ne se dise : « Les impulsions de mon cœur sont la voix de la nature, qui ne se trompe jamais. Les institutions qui me font obstacle viennent des hommes, et ne sont que des conventions arbitraires auxquelles je n’ai pas concouru. En foulant aux pieds ces institutions, j’aurai le double plaisir de satisfaire mes penchants et de me croire un héros. »

Faut-il rappeler ici cette triste et douloureuse page des Confessions ?


« Mon troisième enfant fut donc mis aux Enfants trouvés, ainsi que les deux premiers. Il en fut de même des deux suivants, car j’en ai eu cinq