Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 4.djvu/496

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ne faire que des économistes. Eh quoi ! ne verra-t-on jamais le danger de fournir aux partis, à mesure qu’ils s’arrachent le pouvoir, l’occasion d’imposer universellement et uniformément leurs opinions, que dis-je ? leurs erreurs par la force ? Car c’est bien employer la force que d’interdire législativement toute autre idée que celle dont on est soi-même infatué.

Une telle prétention est essentiellement monarchiste, encore que nul ne l’affiche plus résolûment que le parti républicain ; car elle repose sur cette donnée que les gouvernés sont faits pour les gouvernants, que la société appartient au pouvoir, qu’il doit la façonner à son image ; tandis que, selon notre droit public, assez chèrement conquis, le pouvoir n’est qu’une émanation de la société, une des manifestations de sa pensée.

Je ne puis concevoir, quant à moi, surtout dans la bouche des républicains, un cercle vicieux plus absurde que celui-ci : D’année en année, par le mécanisme du suffrage universel, la pensée nationale s’incarnera dans les magistrats, et puis ces magistrats façonneront à leur gré la pensée nationale.

Cette doctrine implique ces deux assertions : Pensée nationale fausse, pensée gouvernementale infaillible.

Et s’il en est ainsi, républicains, rétablissez donc tout à la fois Autocratie, Enseignement par l’État, Légitimité, Droit divin, Pouvoir absolu, irresponsable et infaillible, toutes institutions qui ont un principe commun et émanent de la même source.

S’il y a, dans le monde, un homme (ou une secte) infaillible, remettons-lui non-seulement l’éducation, mais tous les pouvoirs, et que ça finisse. Sinon, éclairons-nous le mieux que nous pourrons, mais n’abdiquons pas.

Maintenant, je répète ma question : Au point de vue social, la loi que nous discutons réalise-t-elle la liberté ?