Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 4.djvu/506

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lisme nouveau, et de la pire espèce, déshonore l’esprit humain.

Et cependant tout n’est pas hypocrisie dans ce langage. Encore qu’on ne croie pas tout, encore qu’on ne pratique rien, il y a au fond des cœurs, comme dit Lamennais, une racine de foi qui ne sèche jamais.

D’où vient cette bizarre et dangereuse situation ? ne serait-ce pas qu’aux vérités religieuses, primordiales et fondamentales, auxquelles toutes les sectes et toutes les écoles adhèrent d’un consentement commun, se sont agrégés, avec le temps, des institutions, des pratiques, des rites, que l’intelligence, malgré qu’on en ait, ne peut admettre ? Et ces additions humaines ont-elles aucun autre support, dans l’esprit même du clergé, que le dogmatisme par lequel il les rattache aux vérités primordiales non contestées ?

L’Unité religieuse se fera, mais elle ne se fera que lorsque chaque secte aura abandonné ces institutions parasites auxquelles je fais allusion. Qu’on se rappelle que Bossuet en faisait bon marché quand il discutait avec Leibnitz sur les moyens de ramener à l’Unité toutes les confessions chrétiennes. Ce qui paraissait possible et bon au grand docteur du dix-septième siècle, serait-il regardé comme trop audacieux par les docteurs du dix-neuvième ? Quoi qu’il en soit, la liberté de l’enseignement, en faisant pénétrer d’autres habitudes intellectuelles dans le clergé, sera sans doute un des plus puissants instruments de la grande rénovation religieuse qui seule peut désormais satisfaire les consciences et sauver la société[1].

Les sociétés ont un tel besoin de morale, que le corps qui s’en fait, au nom de Dieu, le gardien et le distributeur, acquiert sur elles une influence sans bornes. Or, il est d’ex-

  1. Voir, dans Justice et Fraternité, les pages 316 et 317.(Note de l’éditeur.)