Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 4.djvu/509

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propres fautes, je trouvais moi-même la mort dans ces lectures funestes… Ce sont pourtant ces folies qu’on appelle les belles et honnêtes lettres : Tales dementiæ honestiores et uberiores litteræ putantur… Qu’ils crient contre moi ces marchands de belles-lettres, je ne les crains pas, et je m’applique à sortir des mauvaises voies que j’ai suivies… Il est vrai que, de ces études, j’ai retenu beaucoup d’expressions qu’il est utile de savoir, mais tout cela peut s’apprendre ailleurs que dans des lectures si frivoles, et on devrait conduire les enfants dans une voie moins dangereuse. Mais qui ose te résister, ô maudit torrent de la coutume !… N’est-ce pas pour suivre ton cours qu’on m’a fait lire l’histoire de Jupiter qui, en même temps, tient la foudre et commet l’adultère ? On sait bien que c’est inconciliable ; mais, à l’aide de ce faux tonnerre, on diminue l’horreur qu’inspire l’adultère et on porte les jeunes gens à imiter les actions d’un dieu criminel.

Et néanmoins, ô torrent infernal, on précipite dans tes flots tous les enfants, on fait de cet usage coupable une grande affaire. Cela s’accomplit publiquement, sous les yeux des magistrats, pour un salaire convenu… C’est le vin de l’erreur que nous présentaient dans notre enfance des maîtres ivres ; ils nous châtiaient quand nous refusions de nous en abreuver, et nous ne pouvions en appeler de leur sentence à aucun juge qui ne fût ivre comme eux. Mon âme était ainsi la proie des esprits impurs, car ce n’est pas d’une seule manière qu’on offre des sacrifices aux démons. »


Ces plaintes si éloquentes, ajoute la feuille catholique, cette critique si amère, ces reproches si durs, ces regrets si touchants, ces conseils si judicieux, ne s’adressent-ils pas aussi bien à notre siècle qu’à celui pour lequel écrivait saint Augustin ? Ne conserve-t-on pas, sous le nom d’enseignement classique, le même système d’études contre lequel saint Augustin s’élève avec tant de force ? Ce torrent du paganisme n’a-t-il pas inondé le monde ? Ne précipite-t-on pas chaque année, dans ses flots, des milliers d’enfants qui y perdent la foi, les mœurs, le sentiment et la dignité humaine, l’amour de la liberté, la connaissance de leurs droits et de leurs devoirs, qui en sortent tout imprégnés des fausses idées du paganisme, de sa fausse morale, de ses fausses vertus, non moins que de ses vices et de son profond mépris pour l’humanité ?