Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 5.djvu/125

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Maintenant, quels seront la nature et le nom de ce service dû par l’emprunteur ? Je n’attache pas à ces questions l’importance scientifique que vous y mettez. Elles peuvent être abandonnées aux contractants eux-mêmes, dans chaque cas particulier. C’est véritablement leur affaire de débattre la nature et l’équivalence des services à échanger, aussi bien que leur appellation spéciale. La science a fini quand elle en a montré la cause, l’origine et la légitimité. L’emprunteur s’acquittera en blé, en vin, en souliers, en main-d’œuvre, selon son état. Dans la plupart des circonstances, et seulement pour plus de commodité, il paiera en argent ; et comme on ne se procure l’argent qu’avec du travail, on pourra dire qu’il paie avec du travail. Ce paiement, juste et légitime d’après vous-même, pourquoi me défendriez-vous de le baptiser loyer, fermage, escompte, rente, prêt, intérêt, selon l’occurrence ?

Mais venons-en à l’équivoque qui nous sépare, à la prétendue confusion que je fais, dites-vous, entre l’usage et la propriété, entre le prêt de la chose et une cession absolue.

Vous dites : Celui qui emprunte une propriété, une valeur, étant tenu de la rendre intégralement à l’échéance, n’a reçu, au fond, qu’un usage. Ce qu’il doit, ce n’est pas une propriété, une valeur, mais l’usage d’une propriété, d’une valeur équivalente. Identifier ces deux ordres de nature diverse sans équivalence possible, c’est détruire la mutualité des services.

Pour aller à la racine de l’objection, il faudrait remuer tous les fondements de l’économie sociale. Vous n’attendez pas de moi un tel travail, mais je vous demanderai si, selon vous, l’usage d’une valeur n’a pas lui-même une valeur ? s’il n’est pas susceptible d’être évalué ? D’après quelle règle, sur quel principe, empêcherez-vous deux contractants de comparer un usage à une somme d’argent, à une quantité de main-d’œuvre, et d’échanger sur ces bases, si cela les ar-