Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 5.djvu/161

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avantages que vous m’offrez, et cela sans rétribution. M’imposer un tel service, malgré moi, en refusant d’organiser la circulation des capitaux, c’est me faire supporter un prélèvement injuste, c’est me voler.

Ainsi, toute votre argumentation en faveur de l’intérêt, consiste à confondre les époques, je veux dire à confondre ce qui, dans le prêt, est légitime avec ce qui ne l’est pas, tandis que moi, au contraire, je les distingue soigneusement. C’est ce que vais achever de vous rendre intelligible par l’analyse de votre lettre.

Je prends un à un tous vos arguments.

Dans ma première réponse, je vous avais fait observer que celui qui prête ne se prive pas de son capital. — Vous me répondez : Qu’importe, s’il a créé son capital tout exprès pour le prêter ?

En disant cela, vous trahissez votre propre cause. Vous acquiescez, par ces paroles, à mon antithèse, qui consiste à dire : La cause secrète pour laquelle le prêt à intérêt, légitime hier, ne l’est plus aujourd’hui, c’est ce que le prêt, en lui-même, n’entraîne pas privation. Je prends acte de cet aveu.

Mais vous vous accrochez à l’intention : Qu’importe, dites-vous, si le prêteur a créé ce capital tout exprès pour le prêter ?

À quoi je réplique : Et que me fait à mon tour votre intention, si je n’ai pas réellement besoin de votre service, si le prétendu service que vous voulez me rendre ne me devient nécessaire que par le mauvais vouloir et l’impéritie de la société ? Votre crédit ressemble à celui que fait le corsaire à l’esclave, quand il lui donne la liberté contre rançon. Je proteste contre votre crédit à 5 pour 100, parce que la société a le pouvoir et le devoir de me le faire à 0 pour 100 ; et, si elle me refuse, je l’accuse, ainsi que vous, de vol ; je dis qu’elle est complice, fautrice, organisatrice du vol.