Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 5.djvu/287

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pitaux contre des billets, A tournera et retournera bien souvent ces billets dans ses mains. Peut-être finira-t-il par les refuser, et voilà votre système en fumée. Que ferez-vous ? Décréterez-vous le cours forcé ? Que devient alors la liberté, dont vous êtres le champion ? Après avoir fait de la Banque une inquisition, en ferez-vous une gendarmerie ? Ce n’était pas la peine de supprimer l’État.

Mais je vous concède, pour la discussion seulement, le cours forcé. Vous n’empêcherez pas A de calculer ses risques. Il est vrai qu’il n’y a guère de risques qu’un vendeur n’affronte, pourvu qu’il trouve dans l’élévation du prix une prime d’assurance satisfaisante. A, capitaliste, c’est-à-dire menuisier, cordonnier, forgeron, tailleur, etc., etc., dira donc à B, C, D : Messieurs, si vous voulez mes meubles, mes souliers, mes clous, mes habits, qui sont des valeurs faites, donnez-moi une valeur faite, c’est-à-dire 20 fr. en argent. — Voilà 20 fr. en billets, répond B. — Ce n’est qu’une promesse, répond A, et je n’y ai pas confiance. — Le cours forcé est décrété, réplique B. — Soit, riposte A, mais je veux 100 fr. de ma marchandise.

Comment arrêtez-vous cette hausse de prix, évidemment destructive de tous les bienfaits que vous attendez de la Banque ? Que ferez-vous ? Décréterez-vous le maximum ?

L’universelle cherté se manifestera encore par une autre cause. Certes, vous ne doutez pas que la Banque, dès qu’elle aura fait battre le rappel par tous les organes de la publicité, dès qu’elle aura annoncé qu’elle prête pour rien, n’attire à elle de nombreux clients. Tous ceux qui ont des dettes, dont ils payent l’intérêt, voudront profiter de cette belle occasion de se libérer. En voilà pour une vingtaine de milliards. L’État voudra s’acquitter aussi des 5 milliards qu’il doit. La Banque sera encore assaillie de tout négociant qui a conçu une opération, de tout manufacturier qui veut fonder ou agrandir une fabrique, de tout monomane qui