Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 5.djvu/299

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qu’est-ce, après tout, que le prêt, si ce n’est la vente d’un usage, la vente du temps ? Pourquoi faut-il que cette transaction seule soit réglementée par l’État ou renfermée dans le cercle de vos conceptions ? Avez-vous foi dans l’humanité ? Travaillez à faire tomber ses chaînes et non à lui en forger de nouvelles. Admettez que le mobile qui la pousse vers son perfectionnement indéfini réside en elle-même et non dans le cerveau du législateur. Réalisons la liberté, et l’humanité saura bien en faire sortir tout le progrès que sa nature comporte. S’il est possible et bon que le crédit soit jamais gratuit ou anéanti, comme vous le croyez, l’humanité libre accomplira cette œuvre plus sûrement que votre banque. Si cela n’est ni bon ni possible, comme j’en suis convaincu, l’humanité libre évitera les abîmes où votre banque la pousse.

Au nom du droit, au nom de la justice, au nom de votre foi dans les destinées humaines, au nom de cette concordance qu’il est toujours désirable de mettre entre toutes les parties d’une propagande, je vous adjure donc de substituer sur votre drapeau à ces mots : Gratuité du crédit, ceux de Liberté du crédit. — Mais j’oublie qu’il ne m’appartient pas de donner des conseils. D’ailleurs à quoi serviraient-ils ? A-t-on jamais vu un chef d’école revenir sur ses pas et braver ce mot injuste, mais terrible : Apostasie ? — Il y en a qui ont fait dans leur vie bien des témérités ; ils ne feront pas celle-là, encore qu’elle soit plus digne que toutes les autres de flatter l’orgueil d’un noble cœur.

Frédéric Bastiat.