Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 5.djvu/331

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capitaux de ceux qui possèdent, outre qu’ils sont actuellement utiles à ceux qui ne possèdent pas, facilitent à ces derniers les moyens d’en acquérir.

Il serait donc plus juste de comparer le capital au langage. Quelle folie ne serait-ce pas aux enfants[1] de jalouser, dans les adultes, la faculté de parler, et de voir là un principe d’inégalité irrémédiable ; puisque c’est précisément parce que les adultes parlent aujourd’hui que les enfants parleront demain !

Supprimez la parole chez les adultes, et vous aurez l’égalité dans l’abrutissement. Laissez la parole libre, et vous ouvrez des chances à l’égalité dans le progrès intellectuel.

De même, supprimez le capital (et ce serait certes le supprimer que d’en supprimer la récompense), et vous aurez l’égalité dans la misère. Laissez le capital libre, et vous aurez la plus grande somme possible de chances d’égalité dans le bien-être.

Voilà l’idée que je me suis efforcé de faire sortir de cette polémique. M. Proudhon me le reproche. Si j’ai un regret, c’est de n’avoir pas donné à cette idée assez de place. J’en ai été empêché par la nécessité de répondre aux arguments de mon adversaire qui me reproche maintenant de n’y avoir rien répondu. C’est ce qui nous reste à voir.

La première objection qui m’a été adressée (elle est de M. Chevé) consiste à dire que je confonds la propriété avec l’usage. Celui qui prête, disait-il, ne cède que l’usage d’une propriété et ne peut recevoir, en retour, une propriété définitive.

J’ai répondu que l’échange est légitime quand il se fait librement et volontairement entre deux valeurs égales, que l’une de ces valeurs fût attachée ou non à un objet matériel. Or, l’usage d’une propriété utile a une valeur. Si je prête,

  1. Enfant, in fans, non parlant.