Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 5.djvu/356

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que les idées ne sont pas aussi éloignées et surtout les intentions aussi perverses qu’on le suppose.

Quoi qu’il en soit, l’an passé, j’étais du Comité des finances. Chaque fois qu’un de nos collègues parlait de fixer à un chiffre modéré le traitement du Président de la République, des ministres, des ambassadeurs, on lui répondait :

« Pour le bien même du service, il faut entourer certaines fonctions d’éclat et de dignité. C’est le moyen d’y appeler les hommes de mérite. D’innombrables infortunes s’adressent au Président de la République, et ce serait le placer dans une position pénible que de le forcer à toujours refuser. Une certaine représentation dans les salons ministériels et diplomatiques est un des rouages des gouvernements constitutionnels, etc., etc. »

Quoique de tels arguments puissent être controversés, ils méritent certainement un sérieux examen. Ils sont fondés sur l’intérêt public, bien ou mal apprécié ; et, quant à moi, j’en fais plus de cas que beaucoup de nos Catons, mus par un esprit étroit de lésinerie ou de jalousie.

Mais ce qui révolte ma conscience d’économiste, ce qui me fait rougir pour la renommée intellectuelle de mon pays, c’est quand on en vient (ce à quoi on ne manque jamais) à cette banalité absurde, et toujours favorablement accueillie :

« D’ailleurs, le luxe des grands fonctionnaires encourage les arts, l’industrie, le travail. Le chef de l’État et ses ministres ne peuvent donner des festins et des soirées sans faire circuler la vie dans toutes les veines du corps social. Réduire leurs traitements, c’est affamer l’industrie parisienne et, par contre-coup, l’industrie nationale. »

De grâce, Messieurs, respectez au moins l’arithmétique et ne venez pas dire, devant l’Assemblée nationale de France, de peur qu’à sa honte elle ne vous approuve, qu’une