Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 5.djvu/492

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on pourrait très-certainement trouver certains impôts indirects qui blesseraient l’égalité, mais qui ne blesseraient pas le sentiment de la justice, parce que ce seraient des impôts somptuaires ; mais lorsqu’on veut prélever beaucoup d’argent, alors on émet un principe vrai, dans l’hypothèse où je me place, en disant que le meilleur impôt est celui qui frappe les objets de la consommation la plus générale. C’est un principe que tous nos financiers et tous nos hommes d’État avouent. Et, en effet, il est très-conséquent dans les gouvernements où il s’agit de prendre le plus d’argent au peuple ; mais alors vous arrivez à l’inégalité la plus choquante.

Qu’est-ce que c’est qu’un objet dont la consommation est très-générale ? C’est un objet que le pauvre consomme dans la même proportion que le riche ; c’est un objet sur lequel l’ouvrier dépense tout son salaire.

Ainsi, un agent de change gagne 500 fr. par jour, un ouvrier gagne 500 fr. par an. ; et la justice voudrait que les 500 fr. de l’agent de change fournissent autant au Trésor que les 500 fr. de l’ouvrier. Mais il n’en est pas ainsi ; car l’agent de change achètera des tentures, des bronzes, des objets de luxe avec son argent, c’est-à-dire des objets de consommation restreinte qui ne payent pas de taxe, tandis que l’ouvrier achète du vin, du sel, du tabac, c’est-à-dire des objets de consommation générale qui en sont accablés. (Bruit et interruptions diverses.)

M. Lacaze. Si l’agent de change n’achetait pas ces objets, il ne ferait pas vivre l’ouvrier.

M. Bastiat. Est-ce que la suppression de l’impôt des boissons empêcherait l’agent de change d’acheter des bronzes et des tentures ? Aucun financier ne me démentira. Dans le système des impôts indirects, il n’y a de raisonnable, de vraiment raisonnable, dans ce système que je n’approuve pas, que les impôts qui s’adressent aux objets de la consom-