Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 5.djvu/59

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

toutes les actions humaines. L’erreur est un fait accidentel que l’expérience redresse sans cesse. En définitive, c’est à chacun d’y veiller. — En ce qui concerne les dures nécessités qui réduisent à des emprunts onéreux, il est clair que ces nécessités existent antérieurement à l’emprunt. Si Guillaume est dans une situation telle qu’il ne peut absolument pas se passer d’un Rabot, et qu’il soit forcé d’en emprunter un à tout prix, cette situation provient-elle de ce que Jacques s’est donné la peine de fabriquer cet outil ? n’existe-t-elle pas indépendamment de cette circonstance ? quelque dur, quelque âpre que soit Jacques, jamais il ne parviendra à empirer la position supposée de Guillaume. Certes, moralement, le prêteur pourra être blâmable ; mais au point de vue économique, jamais le prêt lui-même ne saurait être considéré comme responsable de nécessités antérieures, qu’il n’a pas créées et qu’il adoucit toujours dans une mesure quelconque.

Mais ceci prouve une chose sur laquelle je reviendrai, c’est que l’intérêt évident de Guillaume, personnifiant ici les emprunteurs, est qu’il y ait beaucoup de Jacques et de Rabots, autrement dit, de prêteurs et de capitaux. Il est bien clair que si Guillaume peut dire à Jacques : « Vos prétentions sont exorbitantes, je vais m’adresser à d’autres, il ne manque pas de Rabots dans le monde ; » — il sera dans une situation meilleure que si le rabot de Jacques est le seul qui se puisse prêter. Assurément, il n’y a pas d’aphorisme plus vrai que celui-ci : service pour service. Mais n’oublions jamais qu’aucun service n’a, comparativement aux autres, une valeur fixe et absolue. Les parties contractantes sont libres. Chacune d’elles porte ses exigences au point le plus élevé possible, et la circonstance la plus favorable à ces exigences, c’est l’absence de rivalité. Il suit de là que s’il y a une classe d’hommes plus intéressée que toute autre à la formation, à la multiplication, à l’abondance des