Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 6.djvu/136

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cependant, c’est que cette vérité soit généralement admise.

Or il s’en faut bien qu’elle le soit. En lisant ce qui précède, beaucoup de personnes sont portées à me dire : Vous enfoncez une porte ouverte ; qui a jamais songé à contester sérieusement la supériorité de l’échange sur l’isolement ? Dans quel livre, si ce n’est peut-être dans ceux de Rousseau, avez-vous rencontré cet étrange paradoxe ?

Ceux qui m’arrêtent par cette réflexion n’oublient que deux choses, deux symptômes ou plutôt deux aspects de nos sociétés modernes : les doctrines dont les théoriciens nous inondent et les pratiques que les gouvernements nous imposent. Il faut pourtant bien que l’Harmonie des intérêts ne soit pas universellement reconnue, puisque, d’un côté, la force publique est constamment occupée à intervenir pour troubler leurs combinaisons naturelles ; et, que d’une autre part, le reproche qu’on lui adresse surtout, c’est de ne pas intervenir assez.

La question est celle-ci : Le Mal (il est clair que je parle ici du mal qui n’est pas la conséquence nécessaire de notre infirmité native) est-il imputable à l’action des lois sociales naturelles ou au trouble que nous faisons subir à cette action ?

Or deux faits coexistent : Le Mal, — la force publique occupée à contrarier les lois sociales naturelles. Le premier de ces faits est-il la conséquence du second ? Pour moi, je le crois ; je dirai même : J’en suis sûr. Mais en même temps je suis témoin de ceci : à mesure que le mal se développe, les gouvernements cherchent le remède dans de nouveaux troubles apportés à l’action de ces lois ; les théoriciens leur reprochent de ne pas les troubler assez. Ne suis-je pas autorisé à en conclure qu’on n’a guère confiance en elles ?

Oui, sans doute, si l’on pose la question entre l’isolement et l’échange, on est d’accord. Mais si on la pose entre l’échange libre et l’échange forcé, en est-il de même ? N’y