Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 6.djvu/139

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on que les citoyens, d’ailleurs parfaitement libres, aspirent à renverser le Pouvoir, alors que son action se borne à satisfaire le plus impérieux, le mieux senti de tous les besoins sociaux, le besoin de la Justice ?

Mais il n’était malheureusement pas possible que l’Assemblée nationale entrât dans cette voie, et fît entendre ces paroles. Elles ne répondaient ni à sa pensée, ni à l’attente publique. Elles auraient jeté l’effroi au sein de la société autant peut-être que pourrait le faire la proclamation du Communisme. Être responsables de nous-mêmes ! eût-on dit. Ne plus compter sur l’État que pour le maintien de l’ordre et de la paix ! N’attendre de lui ni nos richesses, ni nos lumières ! N’avoir plus à rejeter sur lui la responsabilité de nos fautes, de notre incurie, de notre imprévoyance !

Ne compter que sur nous-mêmes pour nos moyens de subsistance, pour notre amélioration physique, intellectuelle, et morale ! Grand Dieu ! qu’allons-nous devenir ? La société ne va-t-elle pas être envahie par la misère, l’ignorance, l’erreur, l’irréligion et la perversité ?

On en conviendra, telles eussent été les craintes qui se fussent manifestées de toute part, si la révolution de Février eût proclamé la Liberté, c’est-à-dire le règne des lois sociales naturelles. Donc, ou nous ne connaissons pas ces lois, ou nous n’avons pas confiance en elles. Nous ne pouvons nous défendre de l’idée que les mobiles que Dieu a mis dans l’homme sont essentiellement pervers ; qu’il n’y a de rectitude que dans les intentions et les vues des gouvernants ; que les tendances de l’humanité mènent à la désorganisation, à l’anarchie ; en un mot, nous croyons à l’antagonisme fatal des intérêts.

Aussi, loin qu’à la révolution de Février la société française ait manifesté la moindre aspiration vers une organisation naturelle, jamais peut-être ses idées et ses espérances ne s’étaient tournées avec autant d’ardeur vers des