Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 6.djvu/157

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c’est de cette comparaison que naît l’idée de Valeur), c’est l’effort d’un homme à l’effort d’un autre homme, deux phénomènes de même nature et, par conséquent, commensurables.

Ainsi la définition du mot valeur, pour être juste, doit avoir trait non-seulement aux efforts humains, mais encore à ces efforts échangés ou échangeables. L’échange fait plus que de constater et de mesurer les valeurs, il leur donne l’existence. Je ne veux pas dire qu’il donne l’existence aux actes et aux choses qui s’échangent, mais il la donne à la notion de valeur.

Or quand deux hommes se cèdent mutuellement leur effort actuel, ou les résultats de leurs efforts antérieurs, ils se servent l’un l’autre, ils se rendent réciproquement service.

Je dis donc : La valeur, c’est le rapport de deux services échangés.

L’idée de valeur est entrée dans le monde la première fois qu’un homme ayant dit à son frère : Fais ceci pour moi, je ferai cela pour toi, — ils sont tombés d’accord ; car alors pour la première fois on a pu dire : Les deux services échangés se valent.

Il est assez singulier que la vraie théorie de la valeur, qu’on cherche en vain dans maint gros livre, se rencontre dans la jolie fable de Florian, l’Aveugle et le Paralytique :

Aidons-nous mutuellement,
La charge des malheurs en sera plus légère.
 . . . . . À nous deux
Nous possédons le bien à chacun nécessaire.
J’ai des jambes, et vous des yeux.
Moi, je vais vous porter ; vous, vous serez mon guide :
Ainsi, sans que jamais notre amitié décide
Qui de nous deux remplit le plus utile emploi,
Je marcherai pour vous ; vous y verrez pour moi.

Voilà la valeur trouvée et définie. La voilà dans sa rigoureuse exactitude économique, sauf le trait touchant re-