Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 6.djvu/162

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

proque dépendra de leur situation respective, de l’intensité de leurs désirs, de la facilité plus ou moins grande de se passer l’un de l’autre, et d’une foule de circonstances qui démontrent que la Valeur est dans le Service, puisqu’elle s’accroît avec lui.

Et si le lecteur veut prendre cette peine, il lui sera facile de varier cette hypothèse, de manière à reconnaître que la Valeur n’est pas nécessairement proportionnelle à l’intensité des efforts ; remarque que je place ici comme une pierre d’attente qui a sa destination, car j’ai à prouver que la Valeur n’est pas plus dans le travail que dans l’utilité.

Il a plu à la nature de m’organiser de telle façon que je mourrai si je ne me désaltère de temps en temps, et la source est à une lieue du village. C’est pourquoi tous les matins je me donne la peine d’aller chercher ma petite provision d’eau, car c’est à l’eau que j’ai reconnu ces qualités utiles qui ont la propriété de calmer la souffrance qu’on appelle la Soif. — Besoin, Effort, Satisfaction, tout s’y trouve. Je connais l’Utilité, je ne connais pas encore la Valeur.

Cependant, mon voisin allant aussi à la fontaine, je lui dis : « Épargnez-moi la peine de faire le voyage ; rendez-moi le service de me porter de l’eau. Pendant ce temps, je ferai quelque chose pour vous, j’enseignerai à votre enfant à épeler. » Il se trouve que cela nous arrange tous deux. Il y a là échange de deux services ; et l’on peut dire que l’un vaut l’autre. Remarquez que ce qui a été comparé ici, ce sont les deux efforts, et non les deux besoins et les deux satisfactions ; car d’après quelle mesure comparerait-on l’avantage de boire à celui de savoir épeler ?


Bientôt je dis à mon voisin : « Votre enfant m’importune, j’aime mieux faire autre chose pour vous ; vous continuerez à me porter de l’eau, et je vous donnerai cinq sous. »