Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 6.djvu/165

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Bien loin que la Valeur ait ici une proportion nécessaire avec le travail accompli par celui qui rend le service, on peut dite qu’elle est plutôt proportionnelle au travail épargné à celui qui le reçoit ; c’est du reste la loi des valeurs, loi générale et qui n’a pas été, que je sache, observée par les théoriciens, quoiqu’elle gouverne la pratique universelle. Nous dirons plus tard par quel admirable mécanisme la Valeur tend à se proportionner au travail quand il est libre ; mais il n’en est pas moins vrai qu’elle a son principe moins dans l’effort accompli par celui qui sert que dans l’effort épargné à celui qui est servi.

En effet, la transaction relative à notre pierre précieuse suppose le dialogue suivant :

— Monsieur, cédez-moi votre diamant.

— Monsieur, je veux bien ; cédez-moi en échange votre travail de toute une année.

— Mais, Monsieur, vous n’avez pas sacrifié une minute à votre acquisition.

— Eh bien, Monsieur, tâchez de rencontrer une minute semblable.

— Mais, en bonne justice, nous devrions échanger à travail égal.

— Non, en bonne justice, vous appréciez vos services, et moi les miens. Je ne vous force pas ; pourquoi me forceriez-vous ? Donnez-moi un an tout entier, ou cherchez vous-même un diamant.

— Mais cela m’entraînerait à dix ans de pénibles recherches, sans compter une déception probable au bout. Je trouve plus sage, plus profitable d’employer ces dix ans d’une autre manière.

— C’est justement pour cela que je crois vous rendre encore service en ne vous demandant qu’un an. Je vous en épargne neuf, et voilà pourquoi j’attache beaucoup de valeur à ce service. Si je vous parais exigeant, c’est que vous