Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 6.djvu/168

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reste le même, comme la transmission des forces est soumise à la même loi, qu’elle s’opère par un ou plusieurs engrenages.

Cela est si vrai que, lorsque le Pain vaut quatre sous, par exemple, si un bon teneur de livres voulait décomposer cette valeur, il parviendrait à retrouver, à travers des transactions fort multipliées sans doute, tous ceux dont les services ont concouru à la former, tous ceux qui ont épargné une peine à celui qui, en définitive, paye parce qu’il consommera. Il trouvera d’abord le boulanger, qui en retient un vingtième, et sur ce vingtième rémunère le maçon qui a bâti son four, le bûcheron qui a préparé ses fagots, etc. ; viendra ensuite le meunier, qui recevra non seulement la récompense de son propre travail, mais de quoi rembourser le carrier qui a fait la meule, le terrassier qui a élevé les digues, etc. D’autres parties de la valeur totale iront au batteur en grange, au moissonneur, au laboureur, au semeur, jusqu’à ce que compte soit rendu de la dernière obole. Il n’y en a pas une, une seule, qui ira rémunérer Dieu ou la nature. Une telle supposition est absurde par elle-même, et cependant elle est impliquée rigoureusement dans la théorie des économistes qui attribuent à la matière ou aux forces naturelles une part quelconque dans la valeur du produit. Non, encore ici, ce qui vaut, ce n’est pas le Pain, c’est la série des services par lesquels il est mis à ma portée.

Il est bien vrai que, parmi les parties élémentaires de la valeur du pain, notre teneur de livres en rencontrera une qu’il aura peine à rattacher à un service, du moins à un service exigeant un effort. Il trouvera que sur ces 20 cent., il y en a un ou deux qui sont la part du propriétaire du sol, de celui qui détient le laboratoire. Cette petite portion de la valeur du pain constitue ce qu’on nomme la rente de la terre ; et, trompé par la locution, par cette métonymie que nous retrouvons encore ici, notre comptable sera peut-être