Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 6.djvu/196

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douze qui vont aux laboureurs, semeurs, moissonneurs, charretiers, etc., deux qui récompensent les services personnels du propriétaire ; enfin, deux autres francs représentent une valeur qui a pour fondement l’utilité créée par Dieu, par des agents naturels, et en dehors de toute coopération humaine ; — ne voyez-vous pas qu’on vous demandera de suite : Qui doit profiter de cette portion de valeur ? qui a droit à cette rémunération ? Dieu ne se présente pas pour la recevoir. Qui osera se présenter à sa place ?

Et plus Say veut expliquer la propriété sur cette donnée, plus il prête le flanc à ses adversaires. Il compare d’abord, avec raison, la terre à un laboratoire, où s’accomplissent des opérations chimiques dont le résultat est utile aux hommes. « Le sol, ajoute-t-il, est donc producteur d’une utilité, et lorsqu’il (le sol) la fait payer sous la forme d’un profit ou d’un fermage pour son propriétaire, ce n’est pas sans rien donner au consommateur en échange de ce que le consommateur lui (au sol) paye. Il (toujours le sol) lui donne une utilité produite, et c’est en produisant cette utilité que la terre est productive aussi bien que le travail. »

Ainsi, l’assertion est nette. Voilà deux prétendants qui se présentent pour se partager la rémunération due par le consommateur du blé, savoir : la terre et le travail. Ils se présentent au même titre, car le sol, dit M. Say, est productif comme le travail. Le travail demande à être rémunéré d’un service ; le sol demande à être rémunéré d’une utilité, et cette rémunération, il ne la demande pas pour lui (sous quelle forme la lui donnerait-on ?), il la réclame pour son propriétaire.

Sur quoi Proudhon somme ce propriétaire, qui se dit chargé de pouvoirs du sol, de montrer sa procuration.

On veut que je paye, en d’autres termes, que je rende un service, pour recevoir l’utilité produite par les agents