Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 6.djvu/248

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Mais, il faut le dire, toutes les transmissions de services, d’un point à un autre point de l’espace et du temps, reposent sur cette donnée qu’accorder délai c’est rendre service ; en d’autres termes, sur la légitimité de l’Intérêt. L’homme qui, de nos jours, a voulu supprimer l’intérêt n’a pas compris qu’il ramenait l’échange à sa forme embryonnaire, le troc actuel sans avenir et sans passé. Il n’a pas compris que, se croyant le plus avancé, il était le plus rétrograde des hommes, puisqu’il reconstruisait la société sur son ébauche la plus primitive. Il voulait, disait-il, la mutualité des services. Mais il commençait par ôter le caractère de services justement à cette nature de services qui rattache, lie et solidarise tous les lieux et tous les temps. De tous les socialistes, c’est celui qui, malgré l’audace de ses aphorismes à effet, a le mieux compris et le plus respecté l’ordre actuel des sociétés. Ses réformes se bornent à une seule qui est négative. Elle consiste à supprimer dans la société le plus puissant et le plus merveilleux de ses rouages.

J’ai expliqué ailleurs la légitimité et la perpétuité de l’intérêt. Je me contenterai de rappeler ici que :

1° La légitimité de l’intérêt repose sur ce fait : Celui qui accorde terme rend service. Donc l’intérêt est légitime, en vertu du principe Service pour service.

2° La perpétuité de l’intérêt repose sur cet autre fait : Celui qui emprunte doit restituer intégralement à l’échéance. Or, si la chose ou la valeur est restituée à son propriétaire, il la peut prêter de nouveau. Elle lui sera rendue une seconde fois, il la pourra prêter une troisième, et ainsi de suite à perpétuité. Quel est celui des emprunteurs successifs et volontaires qui peut avoir à se plaindre ?

Puisque la légitimité de l’intérêt a été assez contestée dans ces derniers temps pour effrayer le capital, et le déterminer à se cacher et à fuir, qu’il me soit permis de montrer