Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 6.djvu/276

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ont gagné tout ce que l’onérosité et la propriété ont perdu.

Pour déterminer l’homme au travail, il faut un mobile ; ce mobile, c’est la satisfaction qu’il a en vue, ou l’utilité. Sa tendance incontestable et indomptable, c’est de réaliser la plus grande satisfaction possible avec le moindre travail possible, c’est de faire que la plus grande utilité corresponde à la plus petite propriété, — d’où il suit que la mission de la Propriété ou plutôt de l’esprit de propriété est de réaliser de plus en plus la Communauté.

Le point de départ du genre humain étant le maximum de la misère, ou le maximum d’obstacles à vaincre, il est clair que tout ce qu’il gagne d’une époque à l’autre, il le doit à l’esprit de propriété.

Les choses étant ainsi, se rencontrera-t-il dans le monde entier un seul adversaire théorique de la propriété ? Ne voit-on pas qu’il ne se peut imaginer une force sociale à la fois plus juste et plus démocratique ? Le dogme fondamental de Proudhon lui-même est la mutualité des services. Nous sommes d’accord là-dessus. En quoi nous différons, c’est en ceci : ce dogme, je l’appelle propriété, parce qu’en creusant le fond des choses, je m’assure que les hommes, s’ils sont libres, n’ont et ne peuvent avoir d’autre propriété que celle de la valeur ou de leurs services. Au contraire, Proudhon, ainsi que la plupart des économistes, pense que certains agents naturels ont une valeur qui leur est propre, et qu’ils sont par conséquent appropriés. Mais quant à la propriété des services, loin de la contester, elle est toute sa foi. Y a-t-il quelqu’un qui veuille encore aller au-delà ? Ira-t-on jusqu’à dire qu’un homme ne doit pas être propriétaire de sa propre peine ? que, dans l’échange, ce n’est pas assez de céder gratuitement la coopération des agents naturels, il faut encore céder gratuitement ses propres efforts ? Mais qu’on y prenne garde ! ce serait glorifier l’esclavage ; car,