Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 6.djvu/317

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a bien aussi un pouvoir productif. Le vent, et jusqu’à la chaleur du soleil, travaillent pour nous ; mais, heureusement, personne n’a pu dire : Le vent et le soleil m’appartiennent, et le service qu’ils rendent doit m’être payé. »


Say semble déplorer ici que quelqu’un ait pu dire : La terre m’appartient, et le service qu’elle rend doit m’être payé. — Heureusement, dirai-je, il n’est pas plus au pouvoir du propriétaire de se faire payer les services du sol que ceux du vent et du soleil.


« La terre est un atelier chimique admirable, où se combinent et s’élaborent une foule de matériaux et d’éléments qui en sortent sous la forme de froment, de fruits, de lin, etc. La nature a fait présent gratuitement à l’homme de ce vaste atelier, divisé en une foule de compartiments propres à diverses productions. Mais certains hommes, entre tous, s’en sont emparés, et ont dit : À moi ce compartiment, à moi cet autre ; ce qui en sortira sera ma propriété exclusive. Et chose étonnante ! ce privilége usurpé, loin d’avoir été funeste à la communauté, s’est trouvé lui être avantageux. »


Oui, sans doute, cet arrangement lui a été avantageux ; mais pourquoi ? parce qu’il n’est ni privilégié ni usurpé ; parce que celui qui a dit : « À moi ce compartiment, » n’a pas pu ajouter : « Ce qui en sortira sera ma propriété exclusive ; » mais bien : Ce qui en sortira sera la propriété exclusive de quiconque voudra l’acheter, en me restituant simplement la peine que j’aurai prise, celle que je lui aurai épargnée ; la collaboration de la nature, gratuite pour moi, le sera aussi pour lui.

Say, qu’on le remarque bien, distingue, dans la valeur du blé, la part de la Propriété, la part du Capital et la part du Travail. Il se donne beaucoup de peine, à bonne intention, pour justifier cette première part de rémunération qui revient au propriétaire, et qui n’est la récompense d’aucun travail antérieur ou actuel. Mais il n’y parvient pas, car, comme Scrope, il se rabat sur la dernière et la moins satisfaisante des ressources : la nécessité.