Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 6.djvu/322

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A. Le capital Primitif ou Naturel qui n’a pas été créé par les hommes de la première génération, — c’est-à-dire la valeur de la terre brute ;

B. Le Capital créé par la première génération, comprenant : 1° les produits, denrées et instruments, qui n’auront pas été consommés ou usés par la première génération ; 2° la Plus-value que le travail de la première génération aura ajoutée à la valeur de la terre brute.

Il est donc évident, et il résulte clairement et nécessairement du Principe fondamental du Droit de Propriété, tout à l’heure établi, que chaque individu de la deuxième génération a un Droit égal au Capital Primitif ou Naturel, tandis qu’il n’a aucun droit à l’autre Capital, au Capital Créé par le travail de la première génération. Chaque individu de celle-ci pourra donc disposer de sa part du Capital Créé en faveur de tels ou tels individus de la seconde génération qu’il lui plaira choisir, enfants, amis, etc., sans que personne, sans que l’État lui-même, comme nous venons déjà de le dire, ait rien à prétendre (au nom du Droit de Propriété) sur les dispositions que le donateur ou le légateur aura faites. »

Remarquons que, dans notre hypothèse, l’individu de la seconde génération est déjà avantagé par rapport à celui de la première, puisque, outre le Droit au Capital Primitif qui lui est conservé, il a la chance de recevoir une part du Capital Créé, c’est-à-dire une valeur qu’il n’aura pas produite, et qui représente un travail antérieur.

Si donc nous supposons les choses constituées dans la Société de telle sorte :

1° Que le Droit au Capital Primitif, c’est-à-dire à l’Usufruit du sol dans son état brut, soit conservé, ou qu’un Droit équivalent soit reconnu à chaque individu qui naît sur la terre à une époque quelconque ;

2° Que le Capital Créé soit réparti continuellement entre les hommes, à mesure qu’il se produit, en proportion du concours de chacun à la production de ce Capital ;

Si, disons-nous, le mécanisme de l’organisation sociale satisfait à ces deux conditions, la Propriété, sous un pareil régime, serait constituée dans sa Légitimité absolue. — Le Fait serait conforme au Droit. » (Théorie du droit de propriété et du droit au travail, 3e édit., p. 15.)


On voit ici l’auteur socialiste distinguer deux sortes de valeur : la valeur créée, qui est l’objet d’une propriété légitime, et la valeur incréée, nommée encore valeur de la terre brute, capital primitif, capital naturel, qui ne saurait devenir propriété individuelle que par usurpation. Or, selon la théorie que je m’efforce de faire prévaloir, les idées exprimées par ces mots : incréé, primitif, naturel, excluent radicalement ces autres idées : valeur, capital. C’est pourquoi la