Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 6.djvu/357

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vivent de la simple exhibition de leur stature anormale, l’exposent avec plus d’avantage à la curiosité de la foule nombreuse et aisée des grandes métropoles qu’à celle de quelques rares et pauvres villageois. Ici, la demande ne contribue pas seulement à la valeur, elle la fait tout entière. Comment pourrait-on trouver exceptionnel ou injuste que la demande influât aussi sur la valeur du sol ou des produits agricoles ?

Alléguera-t-on que le sol peut atteindre ainsi une valeur exagérée ? Ceux qui le disent n’ont sans doute jamais réfléchi à l’immense quantité de travail que la terre cultivable a absorbée. J’ose affirmer qu’il n’est pas un champ en France qui vaille ce qu’il a coûté, qui puisse s’échanger contre autant de travail qu’il en a exigé pour être mis à l’état de productivité où il se trouve. Si cette observation est fondée, elle est décisive. Elle ne laisse pas subsister le moindre indice d’injustice à la charge de la propriété foncière. C’est pourquoi j’y reviendrai lorsque j’aurai à examiner la théorie de Ricardo sur la rente. J’aurai à montrer qu’on doit aussi appliquer aux capitaux fonciers cette loi générale que j’ai exprimée en ces termes : À mesure que le capital s’accroît, les produits se partagent entre les capitalistes ou propriétaires et les travailleurs, de telle sorte que la part relative des premiers va sans cesse diminuant, quoique leur part absolue augmente, tandis que la part des seconds augmente dans les deux sens.

Cette illusion qui fait croire aux hommes que les puissances productives ont une valeur propre, parce qu’elles ont de l’utilité, a entraîné après elle bien des déceptions et bien des catastrophes. C’est elle qui les a souvent poussés vers des colonisations prématurées dont l’histoire n’est qu’un lamentable martyrologe. Ils ont raisonné ainsi : Dans notre pays, nous ne pouvons obtenir de la valeur que par le travail ; et quand nous avons travaillé, nous n’avons