Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 6.djvu/377

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la Concurrence, le patrimoine commun et gratuit de tous les hommes.

Les forces de la nature appartiennent bien à tout le monde. La gravitation, par exemple, est une propriété commune ; elle nous entoure, elle nous pénètre, elle nous domine : cependant, s’il n’y a qu’un moyen de la faire concourir à un résultat utile et déterminé, et qu’un homme qui connaisse ce moyen, cet homme pourra mettre sa peine à haut prix, ou refuser de la prendre, si ce n’est en échange d’une rémunération considérable. Sa prétention, à cet égard, n’aura d’autres limites que le point où il exigerait des consommateurs un sacrifice supérieur à celui que leur impose le vieux procédé. Il sera parvenu, par exemple, à anéantir les neuf dixièmes du travail nécessaire pour produire l’objet x. — Mais x a actuellement un prix courant déterminé par la peine que sa production exige selon la méthode ordinaire. L’inventeur vend x au cours ; en d’autres termes, sa peine lui est payée dix fois plus que celle de ses rivaux. C’est là la première phase de l’invention.

Remarquons d’abord qu’elle ne blesse en rien la justice. Il est juste que celui qui révèle au monde un procédé utile reçoive sa récompense : À chacun selon sa capacité.

Remarquons encore que jusqu’ici l’humanité, moins l’inventeur, n’a rien gagné que virtuellement, en perspective pour ainsi dire, puisque, pour acquérir le produit x, elle est tenue aux mêmes sacrifices qu’il lui coûtait autrefois.

Cependant l’invention entre dans sa seconde phase, celle de l’imitation. Il est dans la nature des rémunérations excessives d’éveiller la convoitise. Le procédé nouveau se répand, le prix de x va toujours baissant, et la rémunération décroît aussi, d’autant plus que l’imitation s’éloigne de l’époque de l’invention, c’est-à-dire d’autant plus qu’elle devient plus facile, moins chanceuse, et, partant, moins méritoire. Il n’y a certes rien là qui ne pût être avoué