Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 6.djvu/414

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du travail ou augmenter celle des difficultés, pour accroître la valeur, c’est une monstruosité.

L’individu, dans la société, est intéressé à ce que ses services, même en conservant le même degré d’utilité, augmentent de valeur. Supposons ses désirs réalisés, il est aisé de voir ce qui arrive. Il a plus de bien-être, mais ses frères en ont moins, puisque l’utilité totale n’est pas accrue.

On ne peut donc conclure du particulier au général et dire : Prenons telle mesure dont le résultat satisfasse l’inclination de tous les individus à voir augmenter la valeur de leurs services.

Valeur étant rapport, — on n’aurait rien fait si l’accroissement était proportionnel partout à la valeur antérieure ; — s’il était arbitraire et inégal pour les services différents, on n’aurait fait qu’introduire l’injustice dans la répartition des utilités.

Il est dans la nature de chaque transaction de donner lieu à un débat. Grand Dieu ! quel mot viens-je de prononcer ? Ne me suis-je pas mis sur les bras toutes les écoles sentimentalistes, si nombreuses de nos jours ? Débat implique antagonisme, diront-elles. Vous convenez donc que l’antagonisme est l’état naturel des sociétés. — Me voilà forcé de rompre encore une lance. En ce pays-ci la science économique est si peu sue, qu’elle ne peut prononcer un mot sans faire surgir un adversaire.

On m’a reproché, avec raison, d’avoir écrit cette phrase : « Entre le vendeur et l’acheteur, il existe un antagonisme radical. » Le mot antagonisme, surtout renforcé du mot radical, dépasse de beaucoup ma pensée. Il semble indiquer une opposition permanente d’intérêts, et par conséquent une indestructible dissonance sociale, — tandis que je ne voulais parler que de ce débat passager qui précède tout marché, et qui est inhérent à l’idée même de la transaction.

Tant qu’il restera, au grand chagrin de l’utopiste senti-