Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 6.djvu/461

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lement à d’autres, il faut qu’un certain genre de connaissances, que j’ai appelé statistique expérimentale, ait fait quelque progrès ; car il faut bien que l’expérience mette à même d’apprécier, au moins approximativement, ces risques, et par conséquent la valeur du service qu’on rend à celui qu’on en affranchit. C’est pourquoi les transactions et les associations des peuples grossiers et ignorants n’admettent pas de clauses de cette nature, et dès lors, ainsi que je le disais, l’aléatoire exerce sur eux tout son empire. Qu’un sauvage, déjà vieux, ayant quelque approvisionnement en gibier, prenne un jeune chasseur à son service, il ne lui donnera pas un salaire fixe, mais une part dans les prises. Comment, en effet, l’un et l’autre pourraient-ils statuer du connu sur l’inconnu  ? Les enseignements du passé n’existent pas pour eux au degré nécessaire pour permettre d’assurer l’avenir d’avance.

Dans les temps d’inexpérience et de barbarie, sans doute les hommes socient, s’associent, puisque, nous l’avons démontré, ils ne peuvent pas vivre sans cela ; mais l’association ne peut prendre chez eux que cette forme primitive, élémentaire, que les socialistes nous donnent comme la loi et le salut de l’avenir.

Plus tard, quand deux hommes ont longtemps travaillé ensemble à chances communes, il arrive un moment où, le risque pouvant être apprécié, l’un d’eux l’assume tout entier sur lui-même, moyennant une rétribution convenue.

Cet arrangement est certainement un progrès. Pour en être convaincu, il suffit de savoir qu’il se fait librement, du consentement des deux parties, ce qui n’arriverait pas s’il ne les accommodait toutes deux. Mais il est aisé de comprendre en quoi il est avantageux. L’une y gagne, en prenant tous les risques de l’entreprise, d’en avoir le gouvernement exclusif ; l’autre, d’arriver à cette fixité de position si précieuse aux hommes. Et quant à la société, en général, elle