Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 6.djvu/483

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lutte contre l’aléatoire ; l’aléatoire, cette menace incessante qui suffit à elle seule pour troubler toutes les jouissances de la vie ; cette épée de Damoclès qui semblait si inévitablement suspendue sur les destinées humaines. Que cette menace puisse être progressivement et indéfiniment écartée, par la réduction à une moyenne des chances de tous les temps, de tous les lieux et de tous les hommes, c’est certainement une des plus admirables harmonies sociales qui puissent s’offrir à la contemplation de l’économiste philosophe.

Et il ne faut pas croire que cette victoire dépende de deux institutions plus ou moins contingentes. Non ; l’expérience les montrerait impraticables, que l’Humanité n’en trouverait pas moins sa voie vers la fixité. Il suffit que l’incertitude soit un mal pour être assuré qu’il sera incessamment et, tôt ou tard, efficacement combattu, car telle est la loi de notre nature.

Si, comme nous l’avons vu, le salariat a été, au point de vue de la stabilité, une forme plus avancée de l’association entre le capital et le travail, il laisse encore une trop grande place à l’aléatoire. À la vérité, tant qu’il travaille, l’ouvrier sait sur quoi il peut compter. Mais jusqu’à quand aura-t-il de l’ouvrage, et pendant combien de temps aura-t-il la force de l’accomplir  ? Voilà ce qu’il ignore et ce qui met dans son avenir un affreux problème. L’incertitude du capitaliste est autre. Elle n’implique pas une question de vie et de mort. « Je tirerai toujours un intérêt de mes fonds ; mais cet intérêt sera-t-il plus ou moins élevé  ? » Telle est la question que se pose le travail antérieur.

Les philanthropes sentimentalistes, qui voient là une inégalité choquante, qu’ils voudraient faire disparaître par des moyens artificiels, et je pourrais dire injustes et violents, ne font pas attention qu’après tout on ne peut empêcher la nature des choses d’être la nature des choses. Il ne se peut