Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 6.djvu/505

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ni les effets de l’épargne. L’illusion que nous fait la monnaie à cet égard n’en est pas moins une illusion, encore que nous en soyons presque tous dupes.

En effet, difficilement nous pouvons nous défendre de croire que celui qui épargne retire une valeur de la circulation, et, par conséquent, porte à la société un certain préjudice.

Et là se rencontre une de ces contradictions apparentes qui rebutent la logique, une de ces impasses qui semblent opposer au progrès un obstacle infranchissable, une de ces dissonances qui contristent le cœur en paraissant accuser l’auteur des choses dans sa puissance ou dans sa volonté.

D’un côté, nous savons que l’humanité ne peut s’élargir, s’élever, se perfectionner, réaliser le loisir, la stabilité, par conséquent le développement intellectuel et la culture morale, que par l’abondante création et la persévérante accumulation des capitaux. C’est aussi de la multiplication rapide du capital que dépendent la demande des bras, l’élévation du salaire et par suite le progrès vers l’égalité.

Mais, d’autre part, épargner n’est-ce pas le contraire de dépenser, et si celui qui dépense provoque et active le travail, celui qui épargne ne fait-il pas l’opposé ? — Si chacun se prenait à économiser le plus possible, on verrait le travail languir en proportion, et il s’arrêterait entièrement si l’épargne pouvait être intégrale.

Que faut-il donc conseiller aux hommes ? Et quelle base certaine l’économie politique offre-t-elle à la morale, alors que nous n’en voyons sortir que cette alternative contradictoire et funeste :

« Si vous n’épargnez pas, le capital ne se reformera pas, il se dissipera ; les bras se multiplieront, mais le moyen de les payer restant stationnaire, ils se feront concurrence, ils s’offriront au rabais, le salaire se déprimera, et l’humanité sera par ce côté sur son déclin. Elle y sera aussi