Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 6.djvu/506

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sous un autre aspect, car si vous n’épargnez pas, vous n’aurez pas de pain dans votre vieillesse, vous ne pourrez ouvrir une plus large carrière à votre fils, doter votre fille, agrandir vos entreprises, etc. »

« Si vous épargnez, vous diminuez le fonds des salaires, vous nuisez à un nombre immense de vos frères, vous portez atteinte au travail, ce créateur universel des satisfactions humaines ; vous abaissez par conséquent le niveau de l’humanité. »

Ces choquantes contradictions disparaissent devant l’explication que nous donnons de l’épargne, explication fondée sur les idées auxquelles nous ont conduit nos recherches sur la valeur.

Les services s’échangent contre les services.

La valeur est l’appréciation de deux services comparés.

D’après cela, épargner c’est avoir rendu un service, accorder du temps pour recevoir le service équivalent, ou, d’une manière plus générale, c’est mettre un laps de temps entre le service rendu et le service reçu.

Or en quoi celui qui s’abstient de retirer du milieu social un service auquel il a droit fait-il tort à la société ou nuit-il au travail ? Je ne retirerai la valeur qui m’est due que dans un an, quand je pourrais l’exiger sur l’heure. Je donne donc à la Société un an de répit. Pendant cet intervalle, le travail continue à s’exécuter, les services à s’échanger comme si je n’existais pas. Je n’y ai porté aucun trouble. Au contraire, j’ai ajouté une satisfaction à celles de mes semblables, et ils en jouissent gratuitement pendant un an.

Gratuitement n’est pas le mot, car il faut achever de décrire le phénomène.

Le laps de temps qui sépare les deux services échangés est lui-même matière à transaction comme à échange, car il a une valeur. C’est là l’origine et l’explication de l’intérêt.