Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 6.djvu/515

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l’inégalité des conditions ; nous essayerons plus tard d’en mesurer l’énorme portée.

Mais une autre cause qui a retardé le progrès, et surtout qui l’a empêché de s’étendre d’une manière égale sur tous les hommes, c’est, selon quelques auteurs, le principe de la population.

En effet, si, à mesure que la richesse s’accroît, le nombre des hommes entre lesquels elle se partage s’accroît aussi plus rapidement, la richesse absolue peut être plus grande et la richesse individuelle moindre.

Si, de plus, il y a un genre de services que tout le monde puisse rendre, comme ceux qui n’exigent qu’un effort musculaire, et si c’est précisément la classe à qui est dévolue cette fonction, la moins rétribuée de toutes, qui multiplie avec le plus de rapidité, le travail se fera à lui-même une concurrence fatale. Il y aura une dernière couche sociale qui ne profitera jamais du progrès, si elle s’étend plus vite qu’il ne peut se répandre.

On voit de quelle importance fondamentale est le principe de la population.

Ce principe a été formulé par Malthus en ces termes :

La population tend à se mettre au niveau des moyens de subsistance.

Je ferai observer en passant qu’il est surprenant qu’on ait attribué à Malthus l’honneur ou la responsabilité de cette loi vraie ou fausse. Il n’y a peut-être pas un publiciste, depuis Aristote, qui ne l’ait proclamée, et souvent dans les mêmes termes.

C’est qu’il ne faut que jeter un coup d’œil sur l’ensemble des êtres animés pour apercevoir, — sans conserver à cet égard le moindre doute, — que la nature s’est beaucoup plus préoccupée des espèces que des individus.

Les précautions qu’elle a prises pour la perpétuité des races sont prodigieuses, et parmi ces précautions figure la