Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 6.djvu/517

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années dix fois plus de bœufs et de vaches, quoiqu’en mangeant dix fois plus de viande. La faculté reproductive de l’espèce bovine est donc bien loin de nous avoir donné la mesure de toute sa puissance, abstraction faite de toute limite étrangère à elle-même et provenant du défaut d’espace et d’aliment.

Il est certain que la faculté de reproduction, dans l’espèce humaine, est moins puissante que dans toute autre ; et cela devait être. La destruction est un phénomène auquel l’homme ne devait pas être soumis au même degré que les animaux, dans les conditions supérieures de sensibilité, d’intelligence et de sympathie où la nature l’a placé. Mais échappe-t-il physiquement à cette loi, en vertu de laquelle toutes les espèces ont la faculté de multiplier plus que l’espace et l’aliment ne le permettent ? c’est ce qu’il est impossible de supposer.

Je dis physiquement, parce que je ne parle ici que de la loi physiologique.

Il existe une différence radicale entre la puissance physiologique de multiplier et la multiplication réelle.

L’une est la puissance absolue organique, dégagée de tout obstacle, de toute limitation étrangère. — L’autre est la résultante effective de cette force combinée avec l’ensemble de toutes les résistances qui la contiennent et la limitent. Ainsi la puissance de multiplication du pavot sera d’un million par an, peut-être, — et dans un champ de pavots la reproduction réelle sera stationnaire ; elle pourra même décroître.

C’est cette loi physiologique que Malthus a essayé de formuler. Il a recherché dans quelle période un certain nombre d’hommes pourrait doubler, si l’espace et l’aliment étaient toujours illimités devant eux.

On comprend d’avance que cette hypothèse de la satisfaction complète de tous les besoins n’étant jamais réalisée, la