Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 6.djvu/524

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d’une manière très-générale, que la propagation de la vie est contenue ou prévenue par la difficulté d’entretenir la vie. Cette pensée, que nous avons déjà exprimée sous la formule de Malthus, il importe de l’approfondir. Elle constitue la partie essentielle de notre sujet[1].

Les êtres organisés, qui ont vie et qui n’ont pas de sentiment, sont rigoureusement passifs dans cette lutte entre les deux principes. Pour les végétaux, il est exactement vrai que le nombre, dans chaque espèce, est limité par les moyens de subsistance. La profusion des germes est infinie, mais les ressources d’espace et de fertilité territoriale ne le sont pas. Les germes se nuisent, se détruisent entre eux ; ils avortent, et, en définitive, il n’en réussit qu’autant que le sol en peut nourrir. — Les animaux sont doués de sentiment, mais ils paraissent, en général, privés de prévoyance ; ils propagent, ils pullulent, ils foisonnent, sans se préoccuper du sort de leur postérité. La mort, une mort prématurée, peut seule borner leur multiplication, et maintenir l’équilibre entre leur nombre et leurs moyens d’existence.

Lorsque M. de Lamennais, s’adressant au peuple, dans son inimitable langage, dit :

« Il y a place pour tous sur la terre, et Dieu l’a rendue assez féconde pour fournir abondamment aux besoins de tous. » — Et plus loin  : — « L’auteur de l’univers n’a pas fait l’homme de pire condition que les animaux ; tous ne sont-ils pas conviés au riche banquet de la nature ? un seul d’entre eux en est-il exclu ? » — Et encore : — « Les plantes des champs étendent l’une près de l’autre leurs racines dans le sol qui les nourrit toutes, et toutes y croissent en paix, aucune d’elles n’absorbe la séve d’une autre. »

Il est permis de ne voir là que des déclamations falla-

  1. Tout ce qui suit était écrit en 1846. (Note de l’éditeur.)