Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 6.djvu/536

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

placent la limite cherchée, selon les lieux, les temps, les races, les rangs, les mœurs, l’opinion et les habitudes.

3° Enfin, en quoi consiste la force qui restreint la population à cette borne mobile ? Elle se décompose en deux pour l’homme : celle qui réprime, et celle qui prévient. Or l’action de la première, inaccessible par elle-même à toute appréciation rigoureuse, est, de plus, entièrement subordonnée à l’action de la seconde, qui dépend du degré de civilisation, de la puissance des habitudes, de la tendance des institutions religieuses et politiques, de l’organisation de la propriété, du travail et de la famille, etc., etc. — Il n’est donc pas possible d’établir entre la loi de multiplication et la loi de limitation une équation dont on puisse déduire la population réelle. En algèbre, a et b représentent des quantités déterminées qui se nombrent, se mesurent, et dont on peut fixer les proportions ; mais moyens d’existence, empire moral de la volonté, action fatale de la mortalité, ce sont là trois données du problème de la population, des données flexibles en elles-mêmes, et qui, en outre, empruntent quelque chose à l’étonnante flexibilité du sujet qu’elles régissent, l’homme, cet être, selon Montaigne, si merveilleusement ondoyant et divers. Il n’est donc pas surprenant qu’en voulant donner à cette équation une précision qu’elle ne comporte pas, les économistes aient plus divisé que rapproché les esprits, parce qu’il n’est aucun des termes de leurs formules qui ne prête le flanc à une multitude d’objections de raisonnement et de fait.

Entrons maintenant dans le domaine de l’application : l’application, outre qu’elle sert à élucider la doctrine, est le vrai fruit de l’arbre de la science.

Le travail, avons-nous dit, est l’objet unique de l’échange. Pour acquérir une utilité (à moins que la nature ne nous la donne gratuitement), il faut prendre la peine de la produire, ou restituer cette peine à celui qui l’a prise pour