Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 6.djvu/538

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qui se rapproche le plus de l’action brute, automatique ; c’est là une disposition providentielle, à la fois juste, utile et fatale. Le simple manouvrier a bientôt atteint cette limite des prétentions dont je parlais tout à l’heure, car il n’est personne qui ne puisse exécuter le travail mécanique qu’il offre ; et il est lui-même acculé à la limite de sa condescendance, parce qu’il est incapable de prendre la peine intelligente qu’il demande. La durée, l’intensité, attributs de la matière, sont bien les seuls éléments de rémunération pour cette espèce de travail matériel ; et voilà pourquoi il se paye généralement, à la journée. — Tous les progrès de l’industrie se résument en ceci : remplacer dans chaque produit une certaine somme d’utilité artificielle et, par conséquent, onéreuse, par une même somme d’utilité naturelle et partant gratuite. Il suit de là que, s’il y a une classe de la société intéressée plus que toute autre à la libre concurrence, c’est surtout la classe ouvrière. Quel serait son sort, si les agents naturels, les procédés et les instruments de la production n’étaient pas constamment amenés, par la compétition, à conférer gratuitement, à tous, les résultats de leur coopération ? Ce n’est pas le simple journalier qui sait tirer parti de la chaleur, de la gravitation, de l’élasticité, qui invente les procédés et possède les instruments par lesquels ces forces sont utilisées. À l’origine de ces découvertes, le travail des inventeurs, intelligent au plus haut degré, est très-rémunéré ; en d’autres termes, il fait équilibre à une masse énorme de travail brut ; en d’autres termes encore, son produit est cher. Mais la concurrence intervient, le produit baisse, le concours des services naturels ne profite plus au producteur, mais au consommateur, et le travail qui les utilisa se rapproche, quant à la rémunération, de celui où elle se calcule par la durée. — Ainsi, le fonds commun des richesses gratuites s’accroît sans cesse ; les produits de toute sorte tendent à revêtir et revêtent positi-