Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 6.djvu/550

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dans les sociétés modernes, la spoliation par l’impôt s’exerce sur une immense échelle. Nous le verrons plus tard ; c’est une des causes les plus actives entre toutes celles qui troublent l’équivalence des services et l’harmonie des intérêts. Mais le meilleur moyen de combattre et de détruire les abus de l’impôt, c’est de se préserver de cette exagération qui le représente comme spoliateur par essence.

Ainsi considérés en eux-mêmes, dans leur nature propre, à l’état normal, abstraction faite de tout abus, les services publics sont, comme les services privés, de purs échanges.

Mais les procédés par lesquels, dans ces deux formes de l’échange, les services se comparent, se débattent, se transmettent, s’équilibrent et manifestent leur valeur, sont si différents en eux-mêmes et quant à leurs effets, que le lecteur me permettra sans doute de traiter avec quelque étendue ce difficile sujet, un des plus intéressants qui puissent s’offrir aux méditations de l’économiste et de l’homme d’État. À vrai dire, c’est ici qu’est le nœud par lequel la politique se rattache à l’économie sociale. C’est ici qu’on peut marquer l’origine et la portée de cette erreur, la plus funeste qui ait jamais infecté la science, et qui consiste à confondre la société et le gouvernement — la société, ce tout qui embrasse à la fois les services privés et les services publics, et le gouvernement, cette fraction dans laquelle n’entrent que les services publics.

Quand, par malheur, en suivant l’école de Rousseau et de tous les républicains français ses adeptes, on se sert indifféremment des mots gouvernement et société, on décide implicitement, d’avance, sans examen, que l’État peut