Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 6.djvu/563

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Mais l’action gouvernementale se généralise par la contrainte. Elle invoque nécessairement le compelle intrare. Elle procède en vertu d’une loi, et il faut que tout le monde se soumette, car loi implique sanction. Je ne pense pas que personne conteste ces prémisses ; je les mettrais sous la sauvegarde de la plus imposante des autorités, celle du fait universel. Partout il y a des lois et des forces pour y ramener les récalcitrants.

Et c’est de là, sans doute, que vient cet axiome à l’usage de ceux qui, confondant le gouvernement avec la Société, croient que celle-ci est factice et de convention comme celui-là : « Les hommes, en se réunissant en société, ont sacrifié une partie de leur liberté pour conserver l’autre. »

Évidemment cet axiome est faux dans la région des transactions libres et volontaires. Que deux hommes, déterminés par la perspective d’un résultat plus avantageux, échangent leurs services ou associent leurs efforts au lieu de travailler isolément : où peut-on voir là un sacrifice de liberté ? Est-ce sacrifier la liberté que d’en faire un meilleur usage ?

Tout au plus pourrait-on dire : « Les hommes sacrifient une partie de leur liberté pour conserver l’autre, non point quand ils se réunissent en société, mais quand ils se soumettent à un gouvernement, puisque le mode nécessaire d’action d’un gouvernement, c’est la force. »

Or, même avec cette modification, le prétendu axiome est encore une erreur, quand le gouvernement reste dans ses attributions rationnelles.

Mais quelles sont ces attributions ?

C’est justement ce caractère spécial, d’avoir pour auxiliaire obligé la force, qui doit nous en révéler l’étendue et les limites. Je dis : Le gouvernement n’agit que par l’intervention de la force, donc son action n’est légitime que là où l’intervention de la force est elle-même légitime.

Or, quand la force intervient légitimement, ce n’est pas